« Personne d’autre que ma fille ne décidera de ce dont elle est capable » : Natasha et le SBB

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Le syndrome de Bardet-Biedl (SBB) a influencé presque tous les aspects de l’enfance de Natasha Rivard. Maintenant que cette dernière arrive à l’âge adulte, sa mère Annie prend le temps de revenir sur tout le chemin qu’elle a fait.

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3 octobre 2025
7 minutes de lecture

Annie Rivard s’en souvient comme si c’était hier. 

C’était en 2014. Sa fille de sept ans, Natasha, avait passé la journée précédente à la fête d’anniversaire d’une de ses meilleures amies et s’était beaucoup amusée. Le lendemain, Annie a reçu un appel de la mère de la fillette, qui lui a raconté à quel point Natasha avait eu faim pendant la fête. Alors que la plupart des autres filles n’avaient mangé qu’une ou deux pointes de pizza, Natasha en avait mangé sept d’un seul coup. Si l’autre maman trouvait cela mignon et amusant, Annie était plutôt horrifiée.

Sept pointes de pizza, c’est trop. Trop pour n’importe qui, mais surtout pour une petite fille de deuxième année. Pour Natasha, cependant, ce n’était pas seulement un événement isolé, une histoire drôle qui se termine par un mal de ventre et une leçon apprise. En effet, cinq ans plus tôt, Natasha avait été diagnostiquée avec une maladie génétique rare appelée syndrome de Bardet-Biedl (SBB), qui se caractérise généralement par une obésité sévère précoce et une hyperphagie (une sensation de faim incontrôlable), une perte de vision causée par une rétinite pigmentaire (RP), une polydactylie (doigts ou orteils en trop), des problèmes rénaux et des troubles cognitifs ou des retards de développement.

Annie ne s’inquiétait pas seulement du poids de Natasha. Le SBB est un problème de santé complexe qui peut toucher plusieurs systèmes du corps de différentes façons et qui tend à s’aggraver avec le temps. C’est comme s'il y avait plein de petits feux qu’on n’arrivait jamais à éteindre. 

Assembler les pièces du casse-tête

À sa naissance, en 2007, Natasha était un bébé enjoué et en bonne santé. 

Elle est née avec une polydactylie (un doigt et un orteil en trop), mais les médecins ont assuré à Annie qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Natasha était un peu en retard sur certaines étapes importantes du développement (s’asseoir, marcher, parler), mais demeurait suffisamment proche de la normale pour ne pas sonner l’alarme. Sont apparues ensuite une soif excessive, une baisse rapide de la vue et des analyses sanguines anormales qui ont révélé que Natasha souffrait d’une acidose sévère (taux élevé d’acide dans le sang). Annie, elle-même infirmière, savait que quelque chose n’allait pas. Après d’innombrables rendez-vous avec des spécialistes et un dépistage génétique, Natasha a finalement reçu un diagnostic concluant de SBB à l’âge de deux ans.

Comme les Rivard allaient bientôt l’apprendre, les familles de personnes atteintes du SBB tentent toujours de maîtriser un feu alors que plusieurs autres gagnent toujours en intensité.  Cependant, lorsque les feux sont encore mineurs, il peut être presque impossible de reconnaître qu’ils sont tous alimentés par la même étincelle.

« Le plus grand défi dans le diagnostic du SBB est que, la plupart du temps, les différents aspects de la maladie n’apparaissent pas tous en même temps et ne sont pas clairement liés », explique la Dre Marina Ybarra, endocrinologue pédiatrique spécialisée en obésité génétique à l’hôpital pour enfants de London, en Ontario. « Vous ne pouvez pas simplement regarder un enfant et parcourir une liste de contrôle, 1-2-3-4-5 : c’est le SBB. En tant que clinicien(ne), vous devez être très proactif(ve) et poser les bonnes questions. »

La Dre Marina Ybarra, endocrinologue pédiatre de London (Ontario)

Enfin un diagnostic

Tout au long de son enfance et de son adolescence, Natasha a continué à prendre du poids, tiraillée par la même faim intense qui l’avait poussée à manger autant de pizza lors de la fête d’anniversaire de son amie. « C’était très difficile, dit Annie. « Je devais surveiller tout ce qu’elle mangeait, car si elle s’asseyait pour grignoter quelques craquelins, la boîte se vidait soudainement ou je la retrouvais cachée dans sa chambre. Ce n'est toujours pas facile, parce que ça semble contre nature de refuser de donner à manger à un enfant qui a faim. »

En raison d’une perte de vision, d’une prise de poids et de plusieurs autres problèmes de santé associés au SBB, Natasha a progressivement perdu la capacité de suivre le rythme de ses ami(e)s et, au fil du temps, elle s’est retrouvée de plus en plus isolée. Au secondaire, l’estime de soi de Natasha a chuté, ce qui pesait lourdement sur Natasha elle-même, mais aussi sur Annie et son mari, Patrick

S’unir autour de Natasha

L’isolement qui accompagne le fait de vivre avec un enfant atteint d’une maladie rare ou de s’en occuper était exacerbé par l’éloignement géographique de la ville natale des Rivard; Earlton, en Ontario, est une petite communauté située à la frontière du Québec, à six heures d’Ottawa ou de Toronto et à deux heures de Timmins. Patrick étant souvent absent pendant de longues périodes en raison de son travail dans l’industrie forestière, la plupart des soins prodigués à Natasha incombaient à Annie, qui élevait également son fils aîné Jacob et son fils cadet Mikael. Le fardeau de cette maladie aurait pu diviser une famille. Mais, au contraire, il a rapproché les Rivard.

« Natasha a une relation incroyable avec ses frères », dit Annie. « Notre famille est très différente de ce qu’elle aurait été sans le SBB. La situation a rendu les deux garçons très attentionnés et compatissants. Cette maladie, aussi difficile soit-elle, a fait de nous de meilleures personnes. »

Même dans les moments qui ont semblé les plus sombres, Natasha était entourée d’amour. Elle-même a toujours eu beaucoup d’amour à donner, non seulement à sa famille, mais aussi à tous les animaux qui font partie de sa vie. La maison des Rivard est animée par deux chiens et trois chats qui sont constamment aux côtés de Natasha, mais ce sont des chevaux qui lui ont donné une nouvelle perspective et un nouveau sens à sa vie.

« La vie de Natasha tourne autour des chevaux », dit Annie. « Je pense que l’équitation l’a sauvée. Cela lui a donné un exutoire, une motivation et une confiance en elle renouvelée. » En vieillissant, Natasha a adopté un mode de vie plus actif et, notamment grâce à des changements apportés à son plan de traitement, elle a pu commencer à contrôler son poids. Le monde s’est à nouveau ouvert à elle.

Un problème de santé grave et chronique

Tout au long du parcours de Natasha avec le SBB, Annie s’est efforcée de rester en contact en ligne avec d’autres patient(e)s atteint(e)s du SBB et leurs parents. Ces types de communautés virtuelles sont des endroits où l’on célèbre les victoires de chacun, où l’on encourage les personnes qui subissent des revers et où l’on se tient au courant des dernières recherches. 

« Être atteint(e) d’une maladie rare peut causer beaucoup d’isolement », explique Larissa Moniz, directrice des programmes et des missions de recherche chez Vaincre la cécité Canada (VCC), un organisme de bienfaisance dans le domaine de la santé qui finance la recherche et offre du soutien aux Canadien(ne)s atteint(e)s de problèmes de santé rétiniens héréditaires, y compris des problèmes de santé connexes comme le SBB. « Quel que soit votre problème de santé, il existe une certaine expérience commune. Nous connaissons tous l’importance de la représentation et du sentiment d’appartenance. Pour de nombreuses personnes atteintes d’une maladie rare, c’est au sein des communautés de patient(e)s et de malades qu’elles trouvent cela.

Larissa Moniz de VCC, photographiée à Toronto

En plus d’offrir un sentiment de communauté et d’entraide, des organisations comme VCC militent également pour un accès rapide à des traitements innovants partout au Canada. Moniz est convaincue que la communauté du SBB mérite une meilleure qualité de vie et que la lourdeur du fardeau de la maladie justifie la prise de mesures immédiate. « Lorsqu’un traitement sûr et efficace devient disponible, y avoir accès en temps opportun est une question d’équité en matière de santé et de respect de la dignité des patient(e)s », dit-elle. La Dre Ybarra partage cet avis, ajoutant que les thérapies nouvelles et innovantes ont le potentiel de « mettre tout le monde sur un pied d’égalité de manière très prometteuse ».

Un potentiel illimité

Quant à Natasha, elle consacre son temps et son énergie à son horaire scolaire chargé et à son cercle d’ami(e)s à INCA, à Ottawa, où elle fréquente une école spécialisée adaptée aux personnes ayant des besoins particuliers comme les siens. « Elle a vraiment l’impression d’être à sa place maintenant », dit Annie. « Pour la première fois, elle n’a pas l’impression d’être différente. »

La vie de Natasha est désormais à Ottawa, mais elle rentre chez elle toutes les fins de semaine. Elle est bien sûr impatiente à l’idée de revoir sa famille quand elle monte dans l’avion, mais elle est surtout enthousiaste à l’idée de remonter en selle, là où elle se sent vraiment chez elle. Même si elle a presque perdu la vue, Natasha monte à cheval comme si c’était une seconde nature pour elle, sous le regard fier et admiratif d’Annie. 

« Elle continue toujours d’espérer, d’essayer et de se battre », dit Annie avec un sourire. « De nombreux médecins nous ont décrit l’avenir qui attendait Natasha. Ils nous ont énuméré toutes les choses qu’elle ne pourrait jamais faire. Mais j’ai toujours cru que personne d’autre que ma fille ne déciderait ce dont elle est capable. »

Vaincre la cécité Canada (VCC) est le plus important bailleur de fonds des organismes de bienfaisance consacrés à la recherche sur la vision au Canada.

Depuis plus de cinquante ans, Vaincre la cécité Canada fait progresser la recherche sur les traitements et les remèdes contre les maladies oculaires entraînant la cécité, tout en offrant des services d’éducation, de soutien et de défense des droits à toute personne touchée par une maladie oculaire entraînant la cécité, y compris le syndrome de Bardet-Biedl (SBB).

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Une initiative éducative soutenue par Rhythm Pharmaceuticals, Inc.