« Pourquoi pas moi? » : de nombreuses personnes souffrant d’AMS n’ont pas accès aux médicaments de traitement de fond à cause de leur âge ou de leur situation géographique

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In 2018, diffuse large B-cell lymphoma (DLBCL) nearly robbed Charlotte of her life. Now, thanks to cell therapies, she’s savouring every moment.

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November 4th, 2023
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Il existe de nouveaux traitements capables de ralentir la progression de l’amyotrophie spinale (AMS). Pourquoi y a-t-il donc tant de patients adultes qui n’y ont pas accès?

Bryan, Brooklyn et Bryce sont de fiers ambassadeurs de
3 septembre 2025
Temps de lecture : 7 minutes

Depuis une dizaine d’années, on constate une innovation sans précédent dans le traitement de cette maladie neuromusculaire génétique rare, et l’accès à certains de ces nouveaux traitements a été non seulement approuvé, mais généralisé. Or, comme c’est souvent le cas pour l’accès aux médicaments contre les maladies rares, il y a un sous-groupe de patients, en l’occurrence les patients adultes dans toutes les provinces sauf le Québec, qui ont été laissés de côté et qui attendent anxieusement de voir évoluer leur maladie.

Nous nous sommes entretenus avec trois adultes souffrant d’AMS — qui ont tous leurs propres espoirs pour l’avenir — afin de souligner l’importance d’un accès juste et équitable aux traitements novateurs contre les maladies rares.

Bryan Weatherall

« J’ai passé presque toute ma vie à la ferme. À une certaine époque, j’ai passé un an dans une ville de 20 000 personnes, et c’était insupportable. Les gens disent souvent « on peut sortir le garçon de la ferme, mais on ne sort pas la ferme du garçon ». Eh bien, j’en suis la preuve.

J’aime le rien qui nous entoure ici. Pas de circulation, pas d’agitation, juste des oiseaux qui chantent. J’aime ma communauté rurale et tout ce qui vient avec. La pêche, les promenades en tout-terrain. La seule chose que je n’aime pas, c’est qu’il est parfois difficile de se rendre d’un endroit à l’autre, surtout quand on a un handicap.

J’ai rencontré des centaines de personnes qui en souffrent aussi, et je suis l’un des seuls à avoir atteint l’âge de 30 ans sans avoir arrêté de marcher, de faire de la randonnée et de faire des travaux physiques intenses à la ferme. Selon moi, c’est en partie parce que j’ai grandi avec trois frères. Même si j’ai reçu mon diagnostic quand j’avais deux ans, ils ne m’ont jamais ménagé.

Tout a changé pour moi il y a environ deux ans, quand je suis tombé et je me suis cassé le fémur. Depuis, je suis en fauteuil roulant. Je ne peux plus monter dans mon camion. Je ne peux plus monter sur mon 4x4. Je ne peux plus me rendre aux bons coins de pêche. Nous avons dû réaménager notre ferme de A à Z pour que je puisse continuer à faire le plus de travail possible. Je m’occupe des cultures, des ruches, du sirop d’érable et je nourris les animaux, tout ça dans mon fauteuil roulant.

Je peux me déplacer le long de la route de campagne jusqu’au village où je vends des produits — fraises, maïs, pois, courges, ail, concombres, asperges —, mais seulement quand il fait beau. Les jours d’hiver et de pluie, je suis coincé à l’intérieur. Je suis un ours. J’hiberne. Je n’ai pas le choix.

Je sais que j’ai de la chance d’avoir gardé autant de force et de capacités pendant si longtemps, mais ça rend aussi chaque perte encore plus difficile à accepter. Et je suis chanceux d’avoir des amis et une famille qui m’aident beaucoup même si les choses deviennent de plus en plus difficiles. Je suis reconnaissant à mon père, qui m’aide à me mettre au lit et à en sortir. Je suis reconnaissant d'avoir été aiguillé vers Cure SMA Canada. Mais j’aimerais tout de même obtenir l’aide dont j’ai le plus gravement besoin : l’accès aux traitements. Il existe des traitements contre l’AMS, mais personne ne veut m’y donner accès. Je ne sais vraiment pas ce qu’ils attendent. Pourquoi pas moi? S’ils veulent que des gens comme moi continuent à contribuer à la société, ils feraient mieux de ne pas attendre trop longtemps. Je suis agriculteur. Je nourris les gens. Et pour continuer à le faire, je dois conserver autant de force que possible. »

L’amyotrophie spinale (AMA) est une maladie du motoneurone. Les motoneurones sont les cellules nerveuses qui transmettent les commandes du cerveau aux muscles volontaires mis en jeu lors d’activités comme la marche à quatre pattes, la marche, le contrôle de la tête et du cou et la déglutition (fait d’avaler). De plus, l’atteinte des muscles respiratoires (sollicités lors de la respiration et de la toux) peut être associée à une plus grande prédisposition aux troubles respiratoires, comme la pneumonie.

LE SAVIEZ-VOUS?

Brooklyn Marx

« Récemment, je me suis mis en tête de faire des muffins aux bananes. J’étais là dans mon fauteuil roulant, avec un seul bras qui fonctionne bien, et mon partenaire Trevor m’a demandé si j’avais déjà fait des muffins toute seule. J’ai répondu « non » en souriant de toutes mes dents. « Ça va être un désastre. »

Mais il m’a tout de même aidée à m’installer dans la cuisine. Il a préparé les ingrédients, puis il est parti faire des courses pendant quelques heures. Quand il est revenu, la cuisine était sens dessus dessous, j’étais épuisée, mais il y avait des muffins à la banane. La fierté que j’ai tirée de ces muffins m’a duré toute la semaine.

Être capable de faire les choses de manière autonome, ça a toujours été très important pour moi. Cuisiner, sortir, prendre un café avec des amis, dessiner, travailler avec des clients, avoir de la créativité et une bonne productivité... L’idée de ne plus avoir la capacité physique de faire tout ça toute seule est très effrayante. Et avec l’AMS, il n’y a aucun moyen de savoir quand ça va se produire.


Trevor et moi, on essaye de planifier notre avenir. On aimerait acheter une maison ensemble, on envisage d’avoir des enfants. Mais dès qu’on se demande ce que ce serait d’élever des enfants dans le contexte de ma maladie, on n’a aucune réponse concrète. Dans 10 ans, mes fonctions pourraient être à peu près les mêmes qu’aujourd’hui, ou elles pourraient avoir diminué considérablement.

Ce qui est exaspérant, c’est de savoir qu’il existe de nombreux traitements approuvés par Santé Canada contre l’AMS, mais que ce n’est pas tout le monde qui y a accès. Quand j’avais 27 ans, des médicaments contre l’AMS ont été approuvés dans le régime d’assurance-médicaments de ma province, mais seulement pour les personnes de 25 ans et moins qui répondent certains critères. C’est un sentiment horrible que d’avoir de si grandes ambitions et de me faire dire à plusieurs reprises que j’ai raté la fenêtre d’accès aux traitements qui pourraient m’aider à réaliser mes rêves, et juste à cause de mon âge.


Dans les communautés des maladies rares, on lutte sans cesse pour l’accès aux traitements. Je mets toute l’énergie dont je suis capable dans cette lutte, mais je dois aussi en garder pour ma carrière, pour mes relations, pour faire mes courses, pour finir ce que j’ai à faire. Il faudra que je passe à travers ma journée demain, que j’aie accès à des traitements ou non. 

Dans mon rôle de psychothérapeute, je travaille avec beaucoup de personnes handicapées. Ce genre d’injustice est malheureusement très courant. Certaines personnes se jettent corps et âme dans la lutte pour l’accès aux traitements, et c’est magnifique. Mais des fois je me demande... Est-ce qu’il t’en reste assez pour préparer des muffins aux bananes? »

Au Canada, chaque province couvre les traitements selon des critères particuliers pour l’usage pédiatrique, tandis que l’accès des adultes de plus de 25 ans est déterminé au cas par cas, sauf au Québec, où tous les patients atteints d’AMS sont admissibles en fonction de certains critères.

LE SAVIEZ-VOUS?

Bryce McGraw

« Je me souviens qu’adolescent, j’étais chez le médecin avec ma mère et il m’a demandé si je faisais du sport. Ma mère s’est mise à rire. “La guitare, c’est un sport”?

Je n’avais jamais réussi à suivre le rythme des jeunes de mon âge dans les sports ou les jeux actifs. Je me fatiguais vite, j’étais maladroit, et je tombais souvent. On pensait juste que je n’étais pas très athlétique. Personne ne s’imaginait que la cause était une maladie chronique et incurable.

Quand j’ai fini par recevoir un diagnostic d’amyotrophie spinale de type 3, j’ai été longtemps dans le déni avant de commencer à faire mon deuil. J’étais encore relativement en bonne santé et les recherches sur les traitements étaient prometteuses. J’ai simplement continué à vivre, en me disant qu’un traitement efficace serait à ma portée bien avant que la maladie ne devienne un problème pour moi.


J’ai maintenant 32 ans et la maladie est devenue un très gros problème. C’est terrifiant, en fait. Les escaliers sont devenus toute une épreuve. Je ne peux marcher que sur des surfaces plates, en fait, et je ne sais pas combien de temps encore je pourrai le faire. Ce n’est qu’une question de temps avant que je ne me retrouve en fauteuil roulant. Je ne peux plus aller chercher mes nièces. Il me reste si peu de force et de dextérité dans les bras que j’ai peur de les échapper. J’ai même perdu mon emploi à cause de ma maladie. Je travaillais dans le secteur de la santé et, ironiquement, c’est un domaine extrêmement impitoyable quand la maladie et le handicap imposent des limites à ce qu’on peut faire.

Le plus frustrant, c’est que les recherches sur lesquelles je comptais ont bel et bien porté leurs fruits. Il existe un traitement, il a été approuvé, mais il ne m’est pas accessible en raison de mon âge et de mon type d’amyotrophie. J’ai travaillé tellement dur pour y avoir accès, mais à ce stade, en toute franchise, je n’ai plus d’espoir. Le traitement sera peut-être accessible, mais il sera trop tard pour moi.

Je sais que dans le contexte plus vaste de l’AMS, j’ai beaucoup de chance. Je sais que j’ai beaucoup de raisons d’être reconnaissant, et que d’autres vivent dans des conditions bien pires que les miennes. Je me sens coupable d’en vouloir plus. Mais est-ce vraiment déraisonnable de vouloir? Tout ce que je veux, c’est être indépendant. Être capable de travailler et de contribuer à la société. Devenir père et pouvoir tenir mes enfants dans mes bras. Que ma future femme soit ma partenaire, et non ma fournisseuse de soins. Tout ce que je veux, c’est sentir que je compte, que ma vie vaut quelque chose. Mais je suis forcé d’accepter que c’est trop demander. »

La communauté canadienne de l’AMS a besoin de votre appui, tant en août pour le mois de la sensibilisation à l’AMS que le reste de l’année. Merci de donner une mention J’aime à cette histoire et de la partager dans vos réseaux afin de sensibiliser le public à cette importante réalité. Pour de plus amples renseignements ou pour savoir comment défendre un meilleur accès aux traitements, rendez-vous à Cure SMA Canada.

Une initiative communautaire appuyée par Roche Canada.